Kenneth Mertens : un scientifique mondialement reconnu
Un scientifique pluridisciplinaire reconnu
Kenneth Mertens se définit comme « un scientifique pluridisciplinaire aux confins de la taxonomie, de la micropaléontologie, de la paléocéanographie, de la géochimie et de la biologie moléculaire ». Le 3 juillet, il a soutenu avec brio son HDR à l’UBO à Brest dans des conditions particulières, quatre membres du jury et l’équipe de Concarneau étant en visio-conférence. Un travail de grande valeur souligné par un membre du jury : "... certainement l'un des meilleurs actuellement dans ce domaine". Le sujet ? Études morpho-moléculaires et géochimiques des kystes de dinoflagellés et acritarches modernes et leurs applications paléoclimatiques.
Sous ces dénominations quelque peu obscures pour un néophyte se cache en réalité la recherche de kystes de dinoflagellés dans les sédiments. Ces dinoflagellés émanent des grandes lignées de micro-algues, premier maillon de la chaîne alimentaire marine. Mais que sont ces kystes ? Il s’agit d’une forme de résistance pour la survie des espèces. En d’autres termes, quand les conditions environnementales ne sont pas propices au développement des micro-algues, les kystes, produits par ces dinoflagellés présents dans le plancton habituellement, sédimentent en attendant des conditions favorables. Ils se mettent en hibernation parfois une heure, un jour, quelques mois ou encore pendant dix, voire cent ans, avant de germer à nouveau.
Claude Le Bec, responsable du Laboratoire Environnement Ressources de Bretagne Occidentale précise que « Kenneth Mertens fait partie de ces rares scientifiques dans le monde capables de retrouver ces « pépites » dans les sédiments et d’identifier les espèces auxquelles elles appartiennent. Ses travaux sur ces kystes, en lien avec les équipes du Laboratoire d’Ecologie Pélagique de Brest (PELAGOS) et de Nantes (PHYC), c’est précisément ce qui manquait aux travaux de l’Ifremer sur les micro-algues ».
En 1996, quelques 264 kystes décrits correspondaient à des espèces. Grâce aux travaux de Kenneth Mertens, ce sont désormais 542 kystes qui peuvent être reliés à des espèces connues de micro-algues.
Des applications très concrètes
Bien avant les biologistes, les géologues ont été les premiers à travailler sur les kystes de micro-algues pour la datation des couches de sédiment (biostratigraphie), travaux financés pour la recherche de pétrole et de gaz. Aujourd’hui, tout l’intérêt réside également dans la reconstitution du paléoclimat. Par exemple, dans la rade de Brest, des carottages ont pu remonter jusqu’à – 3 000 ans. Les kystes retrouvés dans ces sédiments permettront ainsi de reconstituer le climat.
Claude le Bec précise également : « Quand on veut comprendre le fonctionnement d’un système, il faut en connaître les éléments qui le composent. Concernant les micro-algues, les biologistes ont pendant longtemps fait abstraction des kystes qu’on connaissait à peine. Maintenant, ces quelques 500 espèces de kystes sont des éléments venant compléter le puzzle. On sait désormais que ces kystes peuvent se mettre à germer et provoquer des efflorescences pour certaines espèces ».
Récemment nommé au comité directeur du GlobalHAB, principale instance internationale chargée de coordonner les études sur les micro-algues toxiques, Raffaele Siano (Chercheur au laboratoire d'Ecologie Pélagique à l'Ifremer) pourra ainsi faire connaître les travaux initiés dans le domaine des kystes de micro-algues à Concarneau. Dans sa promotion de l'approche génétique environnementale dans les réseaux d'observation des micro-algues à l'échelle mondiale pour identifier les grands groupes, il pourra aussi soutenir la taxinomie morpho-moléculaire qui, elle, descend jusqu’au niveau des espèces.
Et demain ?
Outre des kystes de dinoflagellés, on trouve également des acritarches, ces micro-fossiles dont on ne connaît pas leur affinité biologique, objet également de l’HDR de Kenneth Mertens. Ils ouvrent la voie pour mieux comprendre l’évolution des micro-algues. Kenneth Mertens précise son propos. « Les kystes de dinoflagellés permettent de remonter à 240 millions d’années, mais à 400 millions d’années, ce sont des acritarches. On ne sait pas encore à quel(s) groupe(s) ces derniers appartiennent, mais ils représentent un intérêt majeur pour les paléontologues. Pour les micro-algues, entre 400 millions et 250 millions d’années, il y a un « phytoplankton black out » total : une grande réduction de la diversité des acritarches. C’est important d’étudier les acritarches modernes pour comprendre ce phénomène ».
Autre piste à creuser… L’étude des kystes retrouvés dans les eaux de ballast des bateaux est également importante car elles sont le vecteur de dispersion des micro-algues à travers l’océan mondial. Autant de sujets qui contribueront à faire avancer la connaissance et la compréhension des phénomènes liés aux micro-algues, notamment celles qui sont nuisibles pour la santé de tous.