Marée rouge
"[]… et toutes les eaux du fleuve furent changées en sang.Les poissons qui étaient dans le fleuve périrent, le fleuve se corrompit, les Egyptiens ne pouvaient plus boire l'eau du fleuve, et il y eut du sang dans tout le pays d'Egypte. " Exode 7, 20-21/
Qu'est-ce que c'est ?
Le 21 août 2018 un phénomène d'eau colorée a été observé sur le littoral normand entre Cabourg et Antifer. Ces phénomènes, pour la plupart naturels, sont liés à une forte concentration d'algues microscopiques appelée "phytoplancton". Invisibles à l'œil nu, ces innombrables algues microscopiques dérivent dans les eaux exploitant l'énergie lumineuse du soleil. Leur apport à la vie marine est essentiel car elles alimentent la chaîne trophique. Le terme 'marée rouge' ou encore 'eau colorée' est une appellation générale pour designer ces efflorescences algales spectaculaires quand la couleur de l'eau prend une tonalité plus rougeâtre ou encore marron. D'autres efflorescences peuvent passer inaperçues si aucune coloration ne leur est associée, mais leurs effets sur le milieu marin peuvent être nombreux. Les scientifiques regroupent alors ces phénomènes sous l'appellation d'efflorescences algales nuisibles ou HAB (de l'anglais Harmful Algal Blooms).
Sont-elles nuisibles pour l'homme ?
En effet, certaines microalgues ont des effets délétères sur l'écosystème car elles produisent des toxines nocives pour les poissons, mammifères marins, oiseaux et l'homme.
Sur les côtes normandes deux phénomènes de toxicité associées aux microalgues sont souvent observés :
- toxines amnésiantes ou ASP ( Amnesic Shellfish Poisoning)
- toxines diarreïques ou DSP ( Diarreic Shellfish Poisoning), en relation à la consommation des coquillages contaminés par les phycotoxines.
Les marées rouges ne créent pas seulement des environnements temporairement toxiques, elles peuvent également être responsables de l'épuisement de l’eau en oxygène dissous, ce qui provoque un phénomène connu comme 'zone d'hypoxie' ou 'zone d'anoxie'. En effet, lorsque ces algues meurent, elles deviennent un festin pour les bactéries, qui consomment ainsi une grande partie de l'oxygène disponible dans l'eau. Lorsque l'eau est épuisée en oxygène, les animaux tels que les poissons ou ceux vivants dans les fonds peuvent mourir en masse, laissant la surface de l'eau et parfois les plages recouvertes de ces animaux morts.
Des nombreuses espèces des microalgues peuvent produire des efflorescences massives. Revenant sur le phénomène observé en août 2018, la coloration de l'eau est liée à la présence importante d'un type de microalgue connu comme dinoflagellé que les scientifiques nomment Akashiwo sanguinea. Cette espèce n'étant pas toxique, elle ne présente pas de risque pour la santé humaine.
Pourquoi une telle abondance ?
Comme nous l'avons mentionné, les efflorescences algales sont des phénomènes naturels. Ceux-ci se produisent quand les conditions environnementales sont favorables à la multiplication des microalgues :
- de la lumière
- une température relativement élevée
- des éléments nutritifs en abondance.
Mais lorsqu'elles reçoivent un excès en éléments nutritifs elles peuvent se multiplier de manière incontrôlable et indésirable. Bien que ces phénomènes soient naturels, leur fréquence et distribution semblent s'incrémenter autour du globe. L'usage des fertilisant dans l'agriculture, l'élevage et le rejet des eaux usées domestiques ont contribué à l'augmentation des apports d'éléments nutritifs dans les zones côtières.A ceci il faut ajouter l'augmentation de la température de l'eau à cause du réchauffement de la planète. Mais cela ne signifie pas pour autant que la situation soit sans espoir, car grâce aux efforts déployés pour diminuer l'apport en sels nutritifs nous pouvons diminuer la propagation de ces efflorescences de plus en plus fréquentes.
Des microalgues suivies de près
Les efflorescences microalgales peuvent être détectées et suivies par les satellites positionnés autour de la Terre. Ceci permet une vision plus large du phénomène et de suivre sa distribution dans nos eaux. La communauté scientifique travaille depuis longtemps sur ces aspects de détection des microalgues depuis l'espace. A ce jour, le projet européen S3-EUROHAB, dans lequel le laboratoire Ifremer de Normandie est impliqué, a pour ambition de suivre la croissance et la propagation des efflorescences d’algues nuisibles et l’abondance du phytoplancton liée à la qualité de l’eau sur l’espace Manche. Ces données seront utilisées pour construire un système d’alerte basé sur le Web, le premier de son genre en Europe, pour prévenir les gestionnaires de l’espace marin et l’industrie des pêches de la prolifération d’algues potentiellement dommageables.