TIGA-LRTCZ (2018-2024)
Pré-projet TIGA (2018-2019) et projet LRTZC (2020-2024)
Territoire Innovation Grande Ambition, La Rochelle Territoire Zéro Carbone
Contexte de l’Etude
Le projet TIGA LRTZC, axe Carbone bleu/vert porté par la Communauté d’Agglomération de La Rochelle, comprend différentes Actions dont l'Action 2.1 ("Évaluer et suivre la captation du carbone par le littoral et les marais le long du continuum océan-vasières intertidales-marais retro-littoraux, et intégrer cette fonction dans les stratégies de gestion futures de ces territoires") au niveau de laquelle l'IFREMER LER-PC a été sollicité par l'université de La Rochelle, partenaire scientifique du projet. Ce projet s'inscrit en continuité des collaborations externes menées avec l'UMR LIENSs dans le cadre des projets EC2CO MIMOSA (V. Le Fouest, thèse R. Savelli 2016-2019), PAMPANINO 2018 et ANR PAMPAS (2019-2023).
L’ambition de cette Action dans l’axe Carbone bleu/vert est de s’appuyer sur notre écosystème littoral et marais et ses composantes (habitats, biodiversité…) pour maximiser le piégeage de carbone sur le territoire. Il est nécessaire de réaliser au préalable des mesures à grande échelle des bilans carbone des différentes interfaces d’échange terrestre-aquatique-atmosphérique au sein de ces écosystèmes hétérogènes et très dynamiques de l’Agglomération de La Rochelle. A partir de ce bilan, il sera possible d’agir au niveau des autres actions de ce levier du point de vue par exemple de la modélisation et de l’optimisation des processus liés au piégeage de carbone. Les différents acteurs du territoire seront ainsi au mieux accompagnés en développant des outils d’aide à la décision en vue de futures stratégies d’aménagement et de valorisation du littoral.
Principaux Objectifs
Les écosystèmes aquatiques continentaux et littoraux, comme ceux compris au sein de l’Agglomération de La Rochelle, représentent des zones d’interface d’échange clés dans le couplage des cycles biogéochimiques entre les continents, les océans et l’atmosphère (Bauer et al., 2013). Ces zones « critiques » ne se limitent pas seulement au transfert horizontal de matières (nutriments, carbone) depuis le domaine terrestre vers le domaine océanique. Elles sont également le siège de flux significatifs et de processus métaboliques complexes aux différentes interfaces d’échanges (air-eau, air-sédiment et sédiment-eau) (Cole et al., 2007 ; Aufdenkampe et al., 2011). La dynamique du carbone y est contrôlée par une multitude de facteurs et processus biogéochimiques, i.e. l’activité biologique autochtone (balance production primaire/respiration), les processus physiques (contrôle de la température sur la solubilité du CO2), les couplages benthos-pelagos, les échanges de CO2 avec l’atmosphère ou encore l’advection horizontale de CO2 avec le rythme tidal (échanges avec les domaines terrestre et océanique). Vu l’importance de ces systèmes dans les cycles biogéochimiques et leur sensibilité aux pressions naturelles et anthropiques, la dynamique du carbone nécessite d’être abordée, à l’échelle de l’écosystème et de manière intégrative aux différentes échelles temporelles caractéristiques (diurne, tidale, saisonnière et interannuelle) (Cai et al., 2011). Cependant à une échelle régionale, voire de l’Agglomération de La Rochelle, le manque de mesures in situ relatives à la dynamique du carbone (pressions partielles de CO2 (pCO2), carbone inorganique dissous (DIC), flux de CO2 sédiment-air, eau-air, sédiment-eau) au sein des masses d’eau côtières (estuaires, zones intertidales, marais salés et doux, …) entraînent de nombreuses incertitudes quant à leur statut à savoir puits ou sources de CO2 vers l’atmosphère et donc leur rôle au sein des budgets (régionaux et globaux) de carbone dans le contexte du changement global.
Cette Action vise donc à appréhender au mieux les processus et flux de carbone aux différentes interfaces d’échange au travers d’études in situ à grande échelle dans le but d’établir le premier budget de carbone du littoral et des marais au sein de l’ensemble des écosystèmes connectés représentatifs du territoire. Pour cela, une « unité pilote » sera suivie du bassin versant terrestre jusqu’à la mer afin d’avoir un continuum d’écosystèmes et donc d’effectuer ce bilan de carbone très complet (stocks des différents compartiments (vivant et non vivant) et flux de carbone aux interfaces air-eau, air-sédiment/sol, eau-sédiment/sol) sur l’unité pilote en termes de carbone bleu mais aussi de carbone vert. Cinq opérations liées les unes aux autres permettent de répondre aux objectifs de l’Action 2.1. Parmi l'ensemble des opérations de l'Action 2.1, l'Ifremer participera activement et en premier lieu aux opérations 1 (mesures de flux par Eddy Covariance atmosphérique), et 2 (export et dynamique de carbone le long du continuum terrestre-aquatique).
Sites d’étude et stratégie d’échantillonnage
Opération 1: Échanges de CO2 atmosphérique à l’échelle du littoral, des marais et de la zone terrestre de l’Agglomération de La Rochelle
Cette opération est dédiée à la mesure des échanges de CO2avec l’atmosphère à l’échelle des zones humides (vasières intertidales et marais rétro-littoraux) et des bassins versants terrestres (cultures, prairies,…) représentatifs de la CDA en utilisant la technique d’Eddy Covariance atmosphérique (EC). Les vasières littorales sont de plus en plus reconnues comme étant aussi productives que les forêts tropicales du fait de la forte production des microalgues (microphytobenthos) (Underwood and Kromkamp, 1999). Les marais d’une façon générale et plus particulièrement les marais tidaux présentent aussi une production primaire exceptionnelle, et contribuent ainsi de façon plus importante à la séquestration du carbone (Chmura et al., 2003). Les surfaces terrestres présentent quant à elles des bilans de carbone très contrastés en fonction de l’occupation des terres (Stella et al., 2009).
L’EC atmosphérique (Baldocchi, 2003) utilisée pour cette opération est une technique micrométéorologique largement utilisée dans les écosystèmes terrestres, et qui est appropriée dans la mesure des flux de CO2dans des systèmes aquatiques hétérogènes et variables comme les systèmes littoraux de type marais salés, lagunes intertidales (Polsenaere et al., 2012). La stratégie sera de déployer deux systèmes d’EC en simultané le long de l’unité pilote terre-mer choisie, (1) au niveau de la vasière intertidale d’Aiguillon (flux air-eau et air-sédiment) (des prés salés en amont jusqu’au chenal subtidal en aval, en fonction de la direction du vent) et (2) au niveau d’un sous bassin versant associé d’intérêt (rotation de cultures blé ou maïs, …) représentatif de la CDA de La Rochelle. Des mesures par EC ont pu être réalisées au niveau d’une autre baie intertidale en France (Polsenaere et al., 2012), mais les déploiements prévus dans le cadre du levier Carbone bleu/vert sur différents sites côtiers et terrestres sera donc une première à ces échelles spatiale et temporelle permettant une évaluation intégrée des fonctions puits/source de carbone des compartiments terrestre (carbone vert) et aquatique (carbone bleu).
La question des échanges de CO2 atmosphérique à l’interface entre les sédiments (vasières et marais) ou le sol (bassins versants) et l’atmosphère et des relations existantes avec le métabolisme intertidal ou terrestre notamment des communautés de producteurs primaires pourra être appréhendée via le couplage entre ces mesures de flux de CO2 par EC et le couvert végétal du carbone bleu (i.e. phanérogames marines, microphytobenthos, plantes prés salés, ...) et du carbone vert (plantes prairies, cultures, arbres, …) cartographié par télédétection multispectrale.
Opération 2 : Export terrestre et advection tidale de carbone le long du continuum terre-mer
Les systèmes tidaux et notamment les marais exportent de grandes quantités de carbone aux systèmes aquatiques adjacents. L’hypothèse de « la pompe CO2des marais » (Wang and Cai, 2004) propose que la fixation de CO2 atmosphérique par les plantes des marais et l’export de carbone associé serait un des mécanismes majeurs rendant les eaux côtières et océaniques adjacentes sources de CO2 pour l’atmosphère. Au regard de l’ensemble de ces processus et flux de carbone transitant au sein de ce littoral et marais, il apparaît essentiel de s’intéresser aussi aux flux horizontaux, i.e. à l’export de carbone depuis les bassins versants vers les sites côtiers de la CDA ainsi qu’aux échanges avec les masses d’eau océanique. Dans cette opération, des échantillonnages bimensuels seront réalisés au niveau de l’unité pilote citée ci-dessus aux principaux exutoires du Marais poitevin à la Baie de l’Aiguillon afin de suivre les concentrations des différentes formes du carbone en parallèle des mesures de flux par EC (Opération 1). Les mesures qualitatives (carbone, nutriments) mais aussi quantitatives (débits) menées en 2017-2018 dans le cadre du projet Aiguillon (Polsenaere et al., 2018 ; Coignot et al., 2020 ; Deborde et al., 2020) pourront être utilisées afin de préciser l’export de carbone du bassin versant du Marais poitevin vers la Baie de l’Aiguillon.
En parallèle, des sondes multiparamètres immergées dans les eaux de sub-surface de l’unité pilote ainsi que sur d’autres sites de la CDA à forts enjeux comme le marais de Tasdon (Favier et al., 2019) ou un marais salé, permettront de mesurer de façon autonome à haute fréquence (10 min) les paramètres biogéochimiques (Température, Salinité, Turbidité, pH, O2, Fluorescence, pCO2) et d’étudier la dynamique des flux de CO2 entre l’eau et l’atmosphère (Ternon et al., 2018 : étude financée par le premier tour du projet). Ces mesures seront systématiquement couplées aux autres opérations permettant de compléter la compréhension de la dynamique fonctionnelle des différents compartiments biologiques du sédiment (benthos) et de la colonne d’eau (pélagos).
Localisation des différentes stations de mesures au travers des points rouges : Baie de l'Aiguillon (B1 (46.2796, -1.1668)), Port de La Rochelle (P1 (46.1483, -1.1743)), Tasdon (Station T3 (46.1480, -1.1243) et T5 (46.1507, -1.1271)); Chatelaillon (Station C1 (46.0941, -1.0958) et C2 (46.0940, -1.0958)).
Ces premières mesures de pressions partielles de CO2 (pCO2) dans l’eau et estimations des échanges de CO2 à l’interface eau-atmosphère de stations de marais doux, baie intertidale et zone portuaire comprises dans la CDA de La Rochelle (voir Figure) ont montré une grande variabilité. En effet, la dynamique du CO2 dans les eaux côtières est contrôlée par de très nombreux facteurs, physico-chimiques (advection tidale, température, …) mais aussi biologiques (balance photosynthèse-respiration, précipitation/dissolution des carbonates), en plus des couplages entre le benthos et le pelagos (Polsenaere et al., 2018) conférant à ces dernières une très forte hétérogénéité spatio-temporelle en termes de pCO2 dans l’eau et flux atmosphériques (voir Figure). Le caractère globalement émetteur de CO2 depuis le compartiment aquatique de ces stations vers le compartiment atmosphérique se place aussi dans un contexte de période estivale durant une année relativement contraignante pour les organismes aquatiques notamment photosynthétiques, avec de fortes chaleurs enregistrées cet été 2018 (Ternon et al., 2018). Nous avons vu et montré l’importance des échelles diurne et tidale dans la dynamique du CO2 de l’eau ; cependant, il est aussi important d’étudier l’évolution de la dynamique du CO2 aux échelles temporelles plus longues (saisons, années, …) afin d’avoir une vision plus globale de la place des zones côtières du point de vue des budgets régional et global de carbone (mesures à venir dans LRTZC décrites précédemment). Les flux de CO2 calculés restent généralement inférieurs aux flux calculés sur d’autres secteurs de la zone tempérée. En effet, des flux plus importants ont été obtenu par exemple dans l’ étude de Borges et al. (2005) dans des milieux de marais et d’estuaire avec respectivement 2,44 et 5,25 mmolC/m²/h (Ternon et al., 2018).
Flux moyen de CO2 à l’interface air/eau en mmolC/m²/h (moyenne (± écart-type)) pour les sites du Port de La Rochelle (Station P1), de la Baie de l’Aiguillon (Station B1), de Chatelaillon (Station C2) et de Tasdon (Station T5). A gauche les flux moyens sur 24 heures, au milieu avec la distinction jour/nuit et à droite avec la distinction marée haute/basse. Des flux positifs indiquent un flux de l’eau vers l’atmosphère.
Liens et informations utiles
- Ternon Q., Polsenaere P., Le Fouest V., Favier J-B., Philippine O., Chabirand J-M., Grizon J., Dupuy C. (2019). Étude des pressions partielles et flux de CO2 au sein de la Communauté d’Agglomération de La Rochelle. 32 pp.
- Ternon Q., Polsenaere P., Le Fouest V., Favier J-B., Philippine O., Chabirand J-M., Grizon J., Dupuy C. (2019). Étude des pressions partielles et flux de CO2 au sein de la Communauté d’Agglomération de La Rochelle. (Oral com.)