Production primaire et dynamique du phytoplancton
Cette action est rattachée au programme Interreg IV CHARM3 dans le cadre de la thèse effectuée par Camille Napoléon Evolution spatio-temporelle de la production primaire en Manche, de la fluorescence modulée aux images satellites.
Les organismes photosynthétiques sont à la base de tous les principaux écosystèmes mondiaux et constituent le premier maillon des réseaux trophiques. Dans les écosystèmes marins ce premier maillon est constitué principalement par le phytoplancton qui représente 90% de la production primaire et 40% de la production primaire globale. Le phytoplancton marin se compose de différentes classes de microalgues parmi lesquelles nous pouvons citer les diatomées, les dinoflagellées et les haptophytes (coccolithophores). Ces organismes autotrophes sont capables de fixer le carbone inorganique via la photosynthèse. Ce processus est appelé production primaire et est définie par la masse de carbone fixée par unité de temps et de surface. La biomasse phytoplanctonique est généralement exprimée en biomasse de chlorophylle a, pigment universel de la photosynthèse. Les propriétés optiques de ce pigment permettent de le caractériser depuis l’espace via les satellites (MODIS/Nasa et MERIS/Agence Spatiale Européenne) et ainsi d’estimer la concentration en chlorophylle à l’échelle de la Manche, ainsi que ses variations saisonnières.
Cependant, l’estimation la concentration en chlorophylle ne donne qu’une image figée du compartiment phytoplanctonique ; les concentrations mesurées sont en effet la résultante de la production nette phytoplanctonique, de la dilution par les courants, de la mortalité par broutage ou sénescence, ainsi que d’autres facteurs biotiques ou abiotiques. L’estimation de la production primaire est nécessaire dans les modèles d’écosystèmes car elle permet d’appréhender le flux d’énergie et de matière disponibles pour l’ensemble du réseau trophique. Tous les niveaux trophiques pris en compte dans les études halieutiques et écosystèmiques reposent sur la production phytoplanctonique. Dans le cadre du programme CHARM3, nous avons étudié la dynamique de la production primaire et des facteurs abiotiques et biotiques la contrôlant. Les principaux facteurs abiotiques sont la lumière et les éléments nutritifs (nitrates, phosphates, silicates). La disponibilité en lumière est contrôlée par la concentration en matière en suspension dans la couche de surface de la Manche. Le cycle annuel des matières en suspension minérale ainsi que le cycle vives eaux, mortes eaux ont été analysés dans cette étude. Les éléments nutritifs proviennent quant à eux directement des fleuves (Seine, Somme etc.) ou par régénération de la matière organique.
Les mesures de production primaire ont été effectuées pendant un an lors de traversées mensuelles sur des ferries transmanche de la « Brittany Ferries » reliant Ouistreham à Portsmouth (novembre 2009-décembre 2010) et Roscoff à Plymouth (juin 2010-juillet 2011) .
Deux méthodes complémentaires ont été utilisées. L’une basée sur l’incorporation de carbone marqué (13C) et l’autre basée sur les variations de fluorescence de la chlorophylle a (PAM). Cette seconde méthode permet de mesurer les paramètres photosynthétiques utilisés pour estimer la production primaire. Lors de ce programme, nous avons développé un système PAM automatisé permettant d’effectuer des mesures à haute fréquence lors des traversées. En parallèle, des mesures de paramètres physico-chimiques (température, lumière, salinité, sels nutritifs, matière en suspension, turbidité) et biologiques (chlorophylle a, espèces phytoplanctoniques etc.) ont été réalisées.
Les travaux réalisés dans le centre de la Manche sur le transect Ouistreham-Portsmouth ont permis de définir 4 grandes zones : zone côtière française, nord de la Baie de Seine, centre de la Manche, zone côtière anglaise. Les deux premières sont sous l’influence du panache de la Seine et donc peu limitées par les éléments nutritifs. La production primaire dans ces zones est principalement contrôlée par la lumière. En revanche, la zone côtière anglaise se caractérise par de faibles apports d’eau douce entrainant une limitation précoce de la production par les sels nutritifs. Le centre de la Manche est une zone intermédiaire marquée par une influence océanique. A la fin de l’hiver et au début du printemps, un couplage entre la production primaire et la biomasse chlorophylienne est observé. En revanche, en automne sur les côtes anglaises, nous avons mis en évidence un découplage entre production et biomasse. Cela peut s’expliquer par un broutage important du phytoplancton par le zooplancton ou par une exportation vers le fond de la biomasse phytoplanctonique par des phénomènes d’agrégation.
Ces mesures ponctuelles in situ sont associées aux images satellites journalières afin d’appréhender la dynamique du phytoplancton sur l’ensemble de la Manche à l’échelle saisonnière et interannuelle. D’autre part les données acquises de production primaire sont comparées à celle du modèle ECO-MARS3D de l’Ifremer et permet d’intégrer sur la colonne d’eau le calcul de la production primaire.